Burn-out, bore-out, brown-out : comment disparaitre sans faire de bruit
- Bernard Mananes
- 14 mai
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 11 juin
"Extra moderne solitude"
Le monde du travail... Ses open spaces trop ouverts, ses managers à la communication "bienveillante mais exigeante", ses cafés d'entreprise lyophilisés, et surtout… ses pathologies modernes. Trois d’entre elles, en particulier, font fureur dans les cabinets de psy comme sur LinkedIn : le burn-out, le bore-out et le brown-out.
Autrement dit, trois façons de sombrer lentement mais sûrement dans un mal-être silencieux, souvent confondu avec une simple fatigue, vous l'aurez compris : elles ne sont pas de simples fatigues.
Bienvenue dans la trinité infernale des maux du travail moderne.

Burn-out : le grand incendie intérieur
Quand le corps dit stop
Le plus célèbre du trio. Le burn-out, c’est quand votre mécanisme interne crame tous les fusibles un à un, jusqu’à ce qu’il ne reste plus. Le cerveau tourne à vide, le corps refuse d’avancer, la moindre tâche semble être un Everest en chaussons. Ce n’est pas de la flemme : c’est de l'épuisement.
L’Organisation mondiale de la santé le reconnaît d'ailleurs depuis 2019 comme un "phénomène lié au travail". On y trouve trois symptômes clés : une fatigue intense, du cynisme envers son boulot (vous savez, quand chaque mail vous donne envie de faire un feu de joie avec votre ordinateur), et une efficacité qui se délite.
Ce n’est pas une faiblesse. C’est un signal d’alarme. Le problème ? On met souvent trop de temps à l’entendre.
Bore-out : l’ennui qui tue (littéralement)
Le vide aussi fait mal
"Comment peut-on être en détresse psychologique en ne foutant rien ?"
Eh bien, c’est justement ça le problème. Le bore-out, c’est l’autre versant de la médaille. Pas trop de boulot, mais trop peu. Une vacuité sidérale de sens, un quotidien fait de PowerPoint inutiles et de tâches sous-qualifiées. Pas de challenge. Pas de reconnaissance. Pas d’utilité.
Et si l’ennui semble à première vue plus confortable que le surmenage, il est tout aussi toxique. Il grignote la motivation, mine l’estime de soi, et s’accompagne souvent d’une honte sourde : "je ne devrais pas me plaindre".
Mais si. Vous devriez. Parce qu’à terme, le bore-out peut déclencher les mêmes symptômes que le burn-out. En silence, mais efficacement.
Brown-out : la panne de courant existentiel
Quand le sens disparaît
Le plus méconnu du trio. Le brown-out, c’est ce moment où vous commencez à vous demander : "Mais à quoi ça sert, tout ça ?". Le mail à envoyer, le fichier Excel à remplir, le rapport à produire... Tout cela semble absurde. Vide. Presque grotesque.
Vous n’êtes pas fatigué. Vous êtes déconnecté. Comme si on vous avait débranché du sens. Une forme d’aliénation douce, qui fait glisser lentement vers le désengagement et la perte de repères.
Les causes ? Un décalage profond entre vos valeurs et ce qu’on vous demande. Une dissonance cognitive permanente. Un métier qui ne répond plus à rien d’humain, si ce n’est payer les factures. En bref, l’impression d’avoir laissé son âme à l’entrée de l’open space.
Trois visages, une même racine : la déconnexion
Burn-out, bore-out, brown-out : les expressions varient, mais la blessure est semblable. Une rupture entre la personne et son travail. Entre les besoins internes (sens, reconnaissance, utilité) et les conditions extérieures (objectifs absurdes, routines vides, pression constante).
Dans les trois cas, le corps et le cerveau finissent par dire stop. Certains font une crise d’angoisse dans l’open space. D’autres pleurent sans comprendre pourquoi. D’autres encore développent insidieusement des troubles digestifs, du sommeil, de la concentration.
Et le pire ? C’est que souvent, tout cela est invisible. Masqué par le sourire corporate, les phrases toutes faites, les check-ins hebdomadaires. À l’intérieur, c’est le chaos. Mais en surface, on continue de dire : “Oui oui, tout va bien !”.
Que faire quand ça disjoncte ?
Il n’y a pas de recette miracle. Mais il y a des pistes. Et la première, c’est de s’écouter. Si vous sentez que quelque chose cloche, ce n’est pas que vous êtes fragile. C’est que votre alarme interne fonctionne.
Des approches comme les thérapies brèves (hypnose, TCC, EMDR...) que je pratique dans mon cabinet, à Bordeaux, permettent souvent de poser un diagnostic plus vite et de retrouver un chemin de sens. Mais parfois, le simple fait de parler à un professionnel, de faire le point, de poser des mots, suffit à commencer à respirer.
Et si vous êtes manager, DRH, ou simplement humain avec un peu de pouvoir sur l’organisation : réfléchissez à la manière dont votre environnement de travail alimente ou répare ces maux. Parfois, un changement de culture vaut bien une cure de magnésium.
Il est temps d’écouter ceux qui craquent
Le monde du travail change, mais pas assez vite. Et trop souvent, ceux qui s’effondrent sont vus comme des maillons faibles. Alors qu’ils sont simplement les premiers à signaler que la machine déraille.
Burn-out, bore-out, brown-out : ces mots ne sont pas des excuses, ni des modes. Ce sont des réalités psychiques profondes. Des appels à repenser notre rapport au travail, à la performance, et au sens.
Parce qu’à force de fondre sans bruit, on finit par disparaître.
Comments